À Paris, les coffres secrets de Hanoï s'ouvrent. Leurs fabuleux trésors à motif de dragons scintillent tout l'été.
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L'année culturelle France-Vietnam se termine par un grand coup de gong. Le Musée des arts asiatiques Guimetbénéficie en effet d'un privilège exceptionnel: celui de présenter pour la première fois à l'étranger l'or et les trésors de la dernière dynastie royale, celle des Nguyên. Incroyable! Depuis l'abdication de l'ultime empereur d'Annam, Bao Dai, le 25 août 1945, au profit du Viet-minh, tout ses attributs régaliens ont survécu à la longue série de tragédies qu'a endurée le pays. Ce n'est qu'en 2007 que le régime communiste a accepté de sortir quelques pièces des coffres pour une présentation au Musée national d'histoire de Hanoï.
«Parmi ces 89 lourds sceaux en or massif, ces décrets impériaux gravés sur des tablettes du même matériau, ces somptueuses théières, ces supports d'offrandes, plats cérémoniels, brûle-parfums ou coffrets à bétel en or, jade ou argent, accompagnés de leur crachoir, plusieurs sont même inédits», précise Pierre Baptiste, le commissaire pour la partie française.
Pour structurer la présentation, en guise de fil rouge, le parcours suit les anneaux du dragon, l'animal emblème de l'empire. On commence aux confins de l'âge du bronze (Ve siècle avant notre ère). On passe par la complexe émancipation de la Chine des Han et des Tang au Xe siècle et la construction du royaume aux dépens de ceux de Champa et de l'empire khmer. Et l'on finit par les Nguyên. Le trésor de Hanoï se voit ainsi complété d'une centaine de pièces du riche fonds vietnamien de Guimet. L'ensemble permet d'expliquer l'antique symbolique impériale et ses évolutions stylistiques au cours des siècles, distinctes de celles de la Chine.
Capricieux comme le temps, souple et versatile, le dragon se fait tantôt filiforme et ondulant, tantôt trapu, griffu et doté de crocs comme un tigre.
«En Asie, le dragon n'a rien à voir avec l'image de notre Occident médiéval, prévient Pierre Baptiste. Il n'est pas un démon. Il n'est pas lié à l'enfer mais à l'eau. Tel le serpent, il évolue entre le sec et l'humide, le haut et le bas, le yin et le yang. Étant donné que le souverain exerce le rôle vital de commandant des digues et de l'irrigation des rizières, il était logique qu'il le prenne pour mascotte.»
On repère donc la chimère partout. Des faîtes des toits aux palanquins, des harnachements en bronze des chevaux aux jarres de grès crème ou céladon. En passant aussi par quelques-uns des 150. 000 éléments de céramiques bleu et blanc mis au jour en 1990 dans l'épave d'une jonque commerciale, au large de l'ancienne capitale de Huê. Un film conte cette spectaculaire découverte.
Joueur, il s'amuse d'une perle. Menaçant, il émerge de flots stylisés ou d'un fond végétal. Doux, il se love dans les fleurs de lotus. Il est capable d'apporter la prospérité ou, au contraire, un tsunami. Il est donc préférable de le rendre aimable. Plus que ses principaux concurrents du bestiaire fantastique vietnamien - le phénix solaire ou la tortue sacrée, signe de paix et de sécurité -, on le comble de toutes les faveurs.
À commencer donc par celle d'être omniprésent à la cour. Le maître des eaux orne ainsi, entre autres, un service à thé finement ciselé dans du jade blanc, l'épée à rubis et la couronne de l'empereur. Surchargée d'une scintillante résille d'or et de pierres précieuse, cette dernière a la forme d'un bonnet de lettré. Non loin, toujours au même motif serpentin, le costume brodé jaune et bleu est celui qui fut emporté par Bao Dai et qu'il conserva durant son exil en France jusqu'à sa mort. À défaut du pouvoir, la somptueuse soierie semble avoir garanti une remarquable longévité. Bao Dai, dont le nom signifie «dragon d'Annam», s'est éteint en 1997.
L'envol du dragon. Art royal du Vietnam, jusqu'au 15 septembre au Musée Guimet 6, place d'Iéna, 75116 Paris. Catalogue Snoeck, 192 p., 30 €. Tél.: 01 56 52 53 00.
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