Các sử dụng phù hợp của tình yêuCette situation extrême ne supprime pourtant pas l'espoir. Dans la vie de tous les jours, il est possible de trouver le merveilleux, d'approcher le point suprême. Ce peut être par la rencontre dans des lieux tout à fait accessibles, dans la rue, dans les rues de Paris, qui fourmillent en merveilleux pour ceux qui savent y voir. Cette rencontre « tend toujours, explicitement ou non, à prendre les traits d'une femme » (ou d'un homme pour une femme). Elle est d'autant plus prisée qu'elle n'a pas été préméditée. Le hasard dit « objectif » l'a seul suscitée, hasard qui ne peut se produire que pour celui qui s'y est dûment préparé : « Du fait même qu'il adopte cette posture ultra-réceptive, c'est qu'il compte bien par là aider le hasard, comment dire, se mettre en état de grâce avec le hasard, de manière à ce que se passe quelque chose, à ce que survienne quelqu'un. » Autrement dit, l'amour est le seul moyen à la portée de l'homme pour qu'il puisse avoir une image de ce que pourrait être le monde ; il apparaît comme un refuge où se réalise le monde à venir, dont la société empêche la venue. Il permet le dépassement des contraires dans l'unité retrouvée : « C'est par l'amour et par lui seul que se réalise au plus haut degré la fusion de l'existence et de l'essence. […] Je parle naturellement de l'amour qui prend tout le mouvoir. » Amour total, exclusif, fou, mélange diffus d'amour courtois et d'érotisme, envisagé comme un moyen de connaissance dont la femme est l'instrument porté au pinacle. Dans ce domaine plus que dans tout autre, il est interdit d'interdire. L'amour devient même une arme révolutionnaire avec pour moteur le désir (« le seul ressort du monde, le désir, seule rigueur que l'homme ait à connaître »). Pour la réalisation totale du désir, les tabous de la morale sont transgressés, le péché originel n'existe plus. « Amour seul amour qui soit, amour charnel, j'adore, je n'ai jamais cessé d'adorer ton ombre vénéneuse, ton ombre mortelle. Un jour viendra où l'homme saura te reconnaître pour son seul maître et t'honorer jusque dans les merveilleuses perversions dont tu t'entoures. » L'amour devient le terrain d'essai pour pulvériser les structures du monde occidental, le premier pas vers la révolution finale, le seul lieu que la société établie risque de ne pas atteindre pour imposer ses restrictions, ses contraintes.Brisement des limites, éclatement de tous les interdits dans lesquels se complaît la société occidentale, table rase à partir de laquelle tout pourrait renaître, se perpétuer et se modifier constamment au cours de l'ordre du devenir, tels sont, dans ses grandes lignes, les mots d'ordre implicites du surréalisme. À l'heure actuelle, il n'existe plus de groupe surréaliste en tant que tel. Mais l'esprit qui présida à sa création et qui permit son épanouissement n'est pas mort. Le refus de toute autorité, la recherche par tous les moyens (la drogue y compris) pour libérer les esprits ligotés, l'amour du scandale, le dégoût de l'ordre, qui caractérisent une tendance de la société moderne, viennent directement du surréalisme. Sur les murs de la Sorbonne, en mai 1968, s'il était défendu d'interdire, s'il valait mieux prendre ses désirs pour des réalités et croire à la réalisation de ses désirs, s'il faut encore faire l'amour et pas la guerre, c'est bien parce qu'André Breton et ses amis, dès 1924, avaient réduit tout art et toute culture « à sa plus simple expression qui est l'amour », cherchant à retrouver dans l'homme ce qui valait la peine d'exister, recherchant ses forces vives pour les faire servir à vivre et non à servir des idéologies pour le plus grand bien d'un État (abstrait), d'une religion (douteuse), d'une production dont les produits (pas toujours nécessaires) filent sur une chaîne, devant ses yeux assez rapidement pour qu'il ne puisse les saisir. Utopie ? Déraison ? Certainement, si l'on considère l'écart qui existe entre la réalité établie et le projet surréaliste. Espoir et même certitude si l'on constate que cette réalité est bien loin de réaliser les désirs profonds de l'homme et préfère, quand elle s'en préoccupe, satisfaire ses envies fictives au détriment de ses besoins réels, de ce qu'il est convenu, depuis André Breton, d'appeler « la vie à perdre haleine », qui s'applique moins à l'organisation planifiée de la vie qu'à l'intensité de certains moments destinés à être multipliés.Le surréalisme et le langageL'art de vivre cultivé par les surréalistes n'a pas complètement supplanté l'art d'écrire, qui prend une tout autre signification. Il n'est point d'art poétique donné a priori, mais une réalité du langage à reconquérir en laissant les mots parler ce qu'ils disent, oubliant les surcharges apportées par les littératures antérieures. Il faut les laisser faire, les laisser agir, autonomes, leur laisser faire l'amour entre eux, pour reprendre une expression de Breton. D'eux mêmes, ils s'attirent ou se repoussent, composant des images, révélant une réalité qui n'est pas nécessairement dite : « Je m'étais mis à choyer immodérément les mots pour l'espace qu'ils admettent autour d'eux, pour leurs tangences avec d'autres mots innombrables que je ne prononçais pas. » L'image ainsi formée est, selon Pierre Reverdy, « une création pure de l'esprit. Elle ne peut naître d'une comparaison, mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte. » L'exemple le plus étonnant est donné par Lautréamont : « Beau comme […] la rencontre fortuite d'une machine à coudre et d'un parapluie sur une table de dissection. » C'est ainsi qu'Aragon a pu dire : « Le vice appelé surréalisme est l'emploi déréglé et passionnel du stupéfiant image. » L'image ainsi utilisée provoque l'étrange, le merveilleux, l'insolite, le stupéfiant (la Jolie Menuiserie du sommeil, Breton).
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