Mon corps dépend de l'Autre par le besoin, l'amour et la mort. De ce corps, dont je n'ai pas la jouissance, un maître dispose. Dans Premier amour, Beckett énonce cela avec sa radicalité abrupte : "Tout s'embrouille dans ma tête, cimetières et noces et les différentes sortes de selles." C'est imparable. L'amour est toujours dans une promiscuité avec le besoin. D'où la nécessité de réduire ses besoins au stricte minimum : Et, Malone de conclure : "L'essentiel est de s'alimenter et d'éliminer. Vase, gamelle, voilà les pôles"
Côté amour, dans Pas moi, la bouche répète : "Donc pas d'amour... au moins ça" de son côté, très proche, Lacan formule "le senti ment". De fait, ce sont les bons sentiments de Madame Pédale qui la rendent sourde à ceux qui l'entourent. Dans la surdité, on pédale dans le vide. La jouissance de l'Autre que présentifie mon corps n'est pas un signe d'Amour. "L'affreux nom d'amour" dit Beckett dans Premier amour.
Pour que le corps fasse un avec la parole et son reste, d'aucuns trouvent la mort. Sans doute, est-ce qui permet une esthétique du père mort dans Premier amour. C'est la mort ou la sexualité. Or chez Beckett, la sexualité échoue à faire lien. Dans Premier amour, elle reste coincée entre la chansonnette d'amour, le faitout des besoins, et la mort du père. Impossible de concéder son corps à l'autre, et surtout pas pour faire l'amour ! Mieux vaut, s'évanouir. "C'est par le corps qu'on nous a" dit Lacan. La mémorable nuit de noces de Premier amour, le confirme :
"Je me réveillai le lendemain matin rompu, mes vêtements en désordre, les couvertures aussi, et Anne à côté de moi, nue naturellement. Ce qu'elle avait dû se dépenser ! Je tenais toujours le faitout à la main. Je regardai dedans. Je ne m'en étais pas servi. Je regardai mon sexe. Si seulement il avait su parler. Je n'en dirai pas plus long. Ce fut ma nuit d'amour.".
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