iRiS
Institut de Relations Internationales et Stratégiques
ASIE
PERSPECTIVES
STRATEGIQUES
CHINE 2014 : une diplomatie régionale pour le moins déroutante
n°12
janvier 2014
Sommaire
□ D’ici quelques jours, la République Populaire de Chine célébrera le traditionnel Nouvel an chinois (30 janv.), en cette année du Cheval de bois que l’on dit propice à l’inventivité, l’évolution, l’action et la réflexion. Derniè- rement, Pékin s’est déjà employée à diverses célébra- tions : en commémorant peu avant Noël le 120e anniver- saire de la naissance de Mao Zedong, le ‘’Grand Timo- nier’’, à grand renforts de défilés nostalgiques organisés à Pékin, Shanghai ou Guangzhou. Une quarantaine d’an- nées après sa disparition (1976), étiré sur plusieurs dé- cennies, l’héritage de cet omnipotent dirigeant divise toujours (‘’Mao Zedong’s Legacy’’, BBC news, 23 déc. 2013) ses compatriotes et les sinologues. En dé- cembre toujours, dans un registre prêtant moins à polémique, la Chine et la France célébraient un
demi-siècle de relations diplomatiques, le Premier mi- nistre français J-M. Ayrault effectuant le déplacement vers la capitale chinoise pour marquer l’événement, dans l’impressionnant Grand Palais du Peuple, en pré- sence du Président Xi Jinping (6 déc. 2013). Huit mois après un déplacement similaire à Pékin du chef de l’Etat français F. Hollande (avril 2013), cette nouvelle visite protocolaire en République Populaire atteste de la bonne tenue actuelle de la relation franco-chinoise. Dans un passé récent (cf. en 2008, après le passage tu- multueux de la flamme olympique chinoise par Paris ; après également la brève rencontre entre le Président
N. Sarkozy et le leader spirituel tibétain, sa Sainteté le Dalai Lama), il n’en fut pas toujours ainsi. Un état de fait
contemporain dont il s’agit probablement de se féliciter.
□ En Asie-Pacifique, en ce début d’année 2014, il est di- verses capitales régionales à ne guère pouvoir se préva- loir d’une telle tonalité diplomatique avec l’ambitieuse et irascible Pékin. En janvier, Tokyo, Manille, New Delhi, Hanoi (manifestation anti-chinoise le 19 janv.), pour évo- quer quelques cas sensibles, ne se trouvent pas précisé- ment dans les petits papiers du gouvernement chinois ; la faute à un cortège de différents territoriaux éloignant Pékin de divers gouvernements voisins, à des plaies his- toriques douloureuses jamais cicatrisées (Chine—Japon), enfin, à une résurgence régionale du nationalisme pous- sant les responsables politiques à faire montre de (trop de ?) détermination dans la gestion de leurs divers con- tentieux interétatiques, mettant à mal la diploma-
tie et ses règles feutrées, au profit d’un langage
quasi-martial aux accents volontiers menaçants.
□ Puissance asiatique dominante du début du XXIe siècle, au cœur d’une kyrielle de disputes territoriales avec divers voisins, la Chine n’échappe pas à cette incli- naison. Pourtant, ne lit-on pas de sa plume au sujet de sa politique diplomatique : ‘’La Chine reste fidèle à sa politique diplomatique basée sur l'indépendance, l'auto- nomie et la paix, persévère dans une voie de développe- ment pacifique, poursuit une stratégie d'ouverture réci- proquement bénéfique, et œuvre à construire un monde harmonieux caractérisé par la paix durable et la prospé- rité commune’’ (site de l’ambassade de Chine en France) ? Une présentation des choses qui, au regard des différends régionaux impliquant Pékin évoqués ci- après, peinera a priori à emporter la conviction du lec- teur. l
Olivier Guillard, le 24 janvier 2014
Olivier Guillard est directeur de recherches Asie et enseignant à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS),
également directeur de l’information chez Crisis 24, cabinet de conseil en gestion des risques et des crises.
2 bis rue Mercœur, 75 011 Paris—France ǁ tél. : 01 53 27 60 60 ǁ guillard@iris-france.org
www.iris-france.org
Quand le discours de Pékin emporte la conviction. Bien sûr, on ne saurait soutenir l’idée que la diplomatie chinoise en Asie - Pacifique se résume à une joute per- manente faisant fi des desiderata de ses voisins et n’accordant qu’une attention minimale au droit interna- tional ; une thèse qui relèverait de l’excès. La politique asiatique de Pékin ne prête pas uniquement à critique ; sur certains ’’dossiers’’ délicats, son concours se révèle précieux, son attitude à la fois contructive et équilibrée, ainsi qu’en attestent les quelques exemples ci-après :
CHINE - Péninsule coréenne. Une politique opi- niâtre et cohérente. La sensibilité du sujet (nucléarisation de la Corée du nord) et de ses principaux acteurs — à commencer par l’imprédictible et défiante Pyongyang - impose à la diplomatie chinoise un engage- ment permanent, une attention de tous les instants, a fortiori depuis la disparition du Cher Dirigeant Kim Jong- il (déc. 2011), la prise en mains du régime par son énig- matique fils Kim Jong-un, un nouvel aventurisme nu- cléaire (essai) en février 2012 et la purge brutale (exécution) du n°2 du régime et
oncle de Kim Jong-Un, Jang Song
Taek (déc. 2013), un interlocu- teur par ailleurs apprécié depuis des décennies des cercles du pouvoir pékinois. La volonté chi- noise de relancer le processus moribond (depuis 2008) des Pourparlers à six (les 2 Corée, Chine, Etats-Unis, Japon, Russie) sur le désarmement nucléaire nord-coréen, nonobstant les ré-
ticences et les doutes de Washington et de Séoul sur l’opportunité d’un tel projet, les frasques et les menaces de Pyongyang (promettant dernièrement à Séoul ‘’un holocauste inimaginable’’ en cas de manœuvres mili- taires contre la Corée du nord), mettent à rude épreuve ces trois dernières années l’appareil diplomatique chi- nois, dont il s’agit ici de louer les efforts et la patience. Bien sûr, il est sur ce sujet des observateurs à relever que la défiance dont fait montre bien trop souvent, par- fois jusqu’au seuil de l’irréparable, l’insaisissable régime nord-coréen, trouve son explication dans le soutien (diplomatique, énergétique, économique, voire alimen- taire) dispensé par le partenaire et voisin chinois.
CHINE - Birmanie. Evolution - adaptation - coopé- ration. S’il ne saurait reproduire à lui seul la trame de la diplomatie chinoise en Asie du sud-est — une région où le sentiment ‘’sino-sceptique’’ est notable et les diffé- rends interétatiques associant la Chine vivaces (voir p.3)
-, le contexte birman post-junte et l’engagement mesuré
d’ouverture et de réformes me- née tambours battant par le Président (tout ancien 1er mi- nistre de l’ancienne junte soit- il) Thein Sein extirpe avec suc- cès la Birmanie du ban des na- tions, réintroduit enfin le pays de La Dame de Rangoon dans le grand jeu international, au
point d’en faire dernièrement un des Etats les visités par les délégations diplomatiques et commerciales du monde entier. Il y a encore quatre ans, personne n’ima- ginait qu’un Président américain consacrerait son pre- mier déplacement à l’étranger après sa réélection à la Birmanie (ce que fit pourtant Barack Obama en nov. 2012). Pékin, en quasi tête-à-tête avec Naypyidaw lors du quart de siècle précédent (une fois que les Etats-Unis et l’Union européenne aient apposé divers strates de sanctions à la junte après les répressions anti- démocratie de 1988), s’accommode aujourd’hui - de plus ou moins bonne grâce certes— de ce contexte nou- veau où la Birmanie compte chaque jour de nouveaux partenaires. La période bénie (pour Pékin) de l’exclusivi- té et du huis clos est terminée ; s’ouvre celle d’une coo- pération intelligente au bénéfice mutuel (énergie ; con- flits ethniques ; commerce ; investissements ; ouverture sur le Golfe du Bengale, etc.).
Une adaptation imposée par la configuration politique de la Birmanie post-junte à laquelle Pékin semble s’ajus- ter ; une adaptation qui ne paraissait pourtant pas aller si aisément de soi.
CHINE — ASIE du sud. Un tour de force abouti. Nous reviendrons plus loin (voir pp.4-5), dans un re- gistre plus tendu, sur les contours bien distincts de la diplomatie chinoise à l’endroit du voisin (é)émergent indien. L’occasion ici de relever le succès impression- nant de la politique chinoise dans le sous-continent in- dien (sans l’Inde) ces dernières années et de mettre en exergue la prouesse suivante, objet de quelques ran- cœurs à Delhi : début 2014, alors que cette dernière partage des frontières (terrestres ou maritimes) avec ses six voisins du sous-continent (Pakistan, Bangladesh, Né- pal, Sri Lanka, Maldives et Bhoutan), Pékin peut globale- ment se prévaloir de relations diplomatiques bilatérales plus sereines — libres de tous différends substantiels — avec Islamabad,
Dacca, Katmandou, Colombo, Malé et Thimphu, que celles animant les rap- ports (souvent com-
(d’aucuns diraient habile) de Pékin méritent quelques
développements succincts. Depuis trois ans, la politique
plexes) du gouver-
nement indien et
Source : ARTE
des capitales mentionnées ci-dessus.
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Point n’est besoin ici d’insister sur la pérennité / solidité de l’étroite relation sino-pakistanaise, autrement plus stable et à l’abri des incessants sauts d’humeur que celle peinant à rassembler (contraints et forcés par la con- joncture régionale et une crise afghane sans fin) Was- hington et Islamabad, alliées pour le moins contre- nature.
Dans un registre là encore satisfaisant pour la diploma- tie chinoise, notons également, sur les marges du sous- continent indien, à mi-chemin vers l’Asie centrale, le positionnement réussi de Pékin dans la fébrile Kaboul ; entre l’assistance aux efforts de reconstruction et les s
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