Ce qui donne à la nature et aux choses cette aura poétique, cest « le sentiment qui
nous fait non pas considérer une chose comme un spectacle, mais y croire comme en
un être sans équivalent, aucune delles ne nous tient sous sa dépendance toute une
partie profonde de ma vie, comme fait le souvenir de ces aspects du clocher de
Combray dans les rues qui sont derrière léglise »1.
La conscience et le sentiment du narrateur infusent cette vie aux éléments
de la nature. En effet, un des facteurs majeurs de cette poétisation de lespace tient à
sa fréquente personnification. Proust hérite de la complicité romantique du paysage
et des émotions humaines. « Devenu personnage, lespace a un langage, une action,
une fonction [
] son écorce abrite la révélation », « espace poétique, ouvert aux
symboles, à la fascination, au retentissement »
Proust sattache à traduire les impressions éprouvées face aux spectacles de
la nature, sinscrivant dans une esthétique proche de celle des peintres
impressionnistes ; la beauté nest pas dans lobjet, mais infusée dans la conscience
par limpression poétique, « limpression même », « qui est la seule grande
poésie »3. Jeune, Proust écrivait : « Les choses usuelles, comme la nature, je les ai
sacrées, ne pouvant les vaincre. Je les ai vêtues de mon âme et dimages intimes et
splendides. Je vis dans un sanctuaire, au milieu dun spectacle. Je suis le centre des
choses et chacune me procure des sensations et des sentiments magnifiques ou
mélancoliques, dont je jouis »4: cétait déjà sa méthode esthétique, conforme au
credo énoncé dans Notes sur le monde mystérieux de Gustave Moreau : « Le pays,
dont les uvres dart sont ainsi des apparitions fragmentaires, est lâme du poète,
son âme véritable, celle de toutes ses âmes qui est le plus au fond, sa patrie
véritable ». Les sentiments qui animent le contemplateur constituent un prisme
poétique à travers lequel les spectacles naturels sont contemplés
Le jeune Proust
la décrite dans La Poésie ou les lois mystérieuses : « le poète reste arrêté devant
toutes choses [
]. Le poète regarde et semble regarder à la fois en lui-même et dans
le cerisier double »5
Il devra sonder les « lois mystérieuses, ou poésie ». Ce don de
vision poétique est la condition même de lart pour Proust. On peut parler
d« effusion contemplative »
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