La participation politique des femmes entre le droit et la pratique
Hafidha Chekir
On ne peut étudier la participation politique des femmes en Tunisie sans la placer dans le contexte général de leur statut. Il a beaucoup évolué depuis l’indépendance. Le code du statut personnel a vu le jour le 13 août 1956,[1] avant même la Constitution qui a été adoptée le premier juin 1959. Une année plus tard, en juillet 1957,[2] les femmes ont conquis leurs droits politiques. Ce droit a ensuite été élargi aux élections législatives nationales et confirmé par la Constitution promulguée le premier juin 1959 qui, dans son article 20, reconnaît la qualité d’électeur à « tout citoyen tunisien possédant la nationalité tunisienne depuis au moins cinq ans et âgés de 20 ans accomplis ». L’article 2 du code électoral de 1959 identifie l’électeur à « tout tunisien et toute tunisienne âgés de vingt ans accomplis ».[3]
En plus de ces droits, les femmes ont joui depuis 1958 de leur droit à l’éducation et du droit à l’adoption. En 1959, elles ont consolidé leur droit au travail dans la fonction publique. En 1966, elles ont conquis leurs droits sociaux économiques après la promulgation du code de travail. En 1973, le droit à l’avortement est légalisé.
Dans ce contexte, la participation politique des femmes aujourd’hui constitue un impératif majeur pour la réalisation de la démocratie et la consolidation de l’égalité. Cependant sa mise en pratique se heurte à certaines résistances.
La participation politique des femmes – Les femmes dans le gouvernement
En 2010, juste avant le départ de Ben Ali, il y avait au sein du gouvernement, composé de 30 ministres et de 13 secrétaires d’État, une femme ministre chargée des Affaires de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées et 5 femmes secrétaires d’État, la première chargée de l’Enfance et des Personnes âgées, la deuxième de la Promotion sociale, la troisième des Institutions hospitalières. Les deux autres ont été chargées l’une de l’Informatique, de l’Internet et des Logiciels libres, l’autre des Affaires américaines et asiatiques au sein du ministère des Affaires étrangères.[4] Ainsi, les femmes ne constituaient que 11,6 % des membres du gouvernement et 20% des représentants diplomatiques de la Tunisie. Bien sur, aucune femme n’a présenté sa candidature ni occupé le poste de président de la République depuis l’indépendance puisque au cours des élections présidentielles qui ont eu lieu depuis 1959, les candidats étaient tous de sexe masculin.[5]
La situation ne s’est pas améliorée depuis la révolution. Le dernier gouvernement, constitué le 8 mars 2013, a même réduit le nombre de femmes ministres à une, chargée des Affaires de la femme et de la famille, et à 3 secrétaires d’Etat, l’une auprès du ministre des Affaires étrangères, l’autre chargée de l’Habitat, et la dernière de l’Environnement.
Les femmes dans les instances législatives
Lors des premières élections législatives de la Tunisie indépendante de 1959, il y avait une seule femme sur un total de 90 députés représentant 1% de l’ensemble des membres de la Chambre des députés. Depuis, la présence des femmes n’a cessé d’évoluer pour arriver en 2009, dernières élections avant la révolution, à 27,5% pour la chambre des députés[6] et 15,18% pour la chambre des conseillers,[7] composée de 112 membres et créée à la suite de la réforme de la Constitution tunisienne de 2002 et entrée en fonction depuis les élections de 2004.
Après la révolution, les femmes ont été élues au sein de l’Assemblée nationale constituante (ANC) après l’adoption de l’article16 du décret-loi qui a consacré la parité et l’alternance sur les listes électorales. Selon les dispositions de cet article, « les candidatures sont présentées sur la base du principe de la parité entre femmes et hommes en classant les candidats dans les listes de façon alternée entre femmes et hommes. La liste qui ne respecte pas ce principe est rejetée, sauf dans le cas d’un nombre impair de sièges réservés à certaines circonscriptions.»[8]
Que retenir de ce texte ?
- La parité a été retenue seulement pour les élections de l’Assemblée nationale constituante ;
- La parité s’arrête au dépôt des candidatures et non dans la répartition des sièges entre les membres de l’assemblée ;
- La parité est accompagnée de l’alternance puisque le classement des listes doit se faire de façon alternée ;
- Le non-respect de la parité est sanctionné par le rejet des listes non-paritaires et non –alternées ;
- Du fait de la parité, les femmes sont représentées au sein de l’ANC. Mais elles ne représentent pas plus de 27 % de ses membres, à peu près les mêmes proportions qu’avant la révolution.
Les femmes et les partis politiques
Dans les partis politiques, la présence des femmes est presque inexistante. Avant la révolution, de tous les partis, comble du paradoxe, c’est le RCD (Rassemblement démocratique constitutionnel), parti hégémonique au pouvoir jusqu’à 2011, qui comprend le plus de femmes dans ses instances de direction. D’une manière générale, la présence des femmes se réduit au fur et à mesure que l’on gravit les échelons. Ainsi, au sein de ce parti, les femmes constituaient 20,1% des adhérents, 21,3% des membres des structures de base mais seulement 2,6% des responsables de ces structures, et 1,1% des responsables nationaux.
Un seul parti d’opposition était dirigé par une femme : le PDP (Parti démocratique progressiste), dirigé par Maya Jribi.
depuis le 14 janvier, sur l’ensemble des partis politiques crées jusqu’à maintenant (environ 140), 2 femmes sont à la tête de nouveaux partis politiques. Il s’agit de Emna Mansour Karoui qui dirige le Mouvement démocratique pour la réforme et la construction, et de Meriem Mnaour, à la tête du Parti tunisien.
Les femmes et la société civile
Les associations de la société civile qui étaient de l’ordre de 9600 avant 2011, comprenaient seulement 5 associations indépendantes, les autres étant inféodées au parti au pouvoir. Dans ce tissu associatif, le nombre des associations féminines s’élevait à 24.[9]
Les femmes représentaient 20% des adhérents des associations et désertaient les mouvements indépendants, en raison des restrictions et des contrôles policiers qu’elles subissaient de façon régulière.[10]
Sur l’ensemble des associations créées depuis la révolution (environ 4900), 68 sont des associations de femmes, dont 31 ont été créées en 2011 et 37 en 2012.[11] Les femmes sont très présentes dans les associations caritatives et de développement, mais aussi d’aide et d’assistance aux personnes dans le besoin.
Les femmes et les syndicats
En 2010, les femmes représentaient 35% de l’ensemble des syndiqués dans la seule centrale syndicale ouvrière qui existait dans le pays, l’UGTT (Union Générale tunisienne du travail). La présence des femmes est remarquable dans les structures de base. Mais leur absence est totale dans les instances dirigeantes. Jusqu’à présent, une seule fois, une femme a été élue membre du Bureau exécutif de la centrale syndicale lors de son congrès constitutif de 1946.
La Commission de la femme travailleuse, fondée en 1982, siège dans la Commission administrative de l’UGTT et jouit d’un statut d’observateur.
Au cours du dernier congrès de la centrale syndicale tenu en 2011, les femmes syndicalistes étaient représentées par un taux de 4,2% (13 sur 511 congressistes). Aucune femme n’a été élue au sein du bureau exécutif de la centrale syndicale.
Par ailleurs, sur 24 unions régionales, seules 2 unités comprennent des femmes (Ben Arous et Ariana). La syndicalisation des femmes reste faible. Leur présence dans les instances décisionnelles ne dépasse pas encore 8% dans les syndicats de base et les bureaux régionaux.[12]
La participation politique des femmes : un défi permanent – La faiblesse participative des femmes dans les instances de prise de décision
C’est seulement en 1983 que les femmes ont eu accès au gouvernement. Mais jamais une femme n’a été nommée à la tête d’un gouvernement ni à la tête de ministères de souveraineté tels que le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Défense ou le ministère de la Justice. Toutes les femmes qui ont été nommées ont dirigé des ministères qui constituent le prolongement de leurs fonctions traditionnelles dans la société et dans la famille, à savoir les enfants, les personnes âgées, malades ou handicapées, et les femmes.
La culture de la discrimination est dominante et conduit à ne reconnaître aux femmes qu’un statut mineur voire marginal.
Les difficultés liées à la mise en œuvre de la parité.
La parité est une revendication du mouvement des femmes en Tunisie. Elle a été conquise grâce à la présence de militantes féministes au sein de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.
Pour l’Association tunisienne des femmes démocrates[13], la parité est une revendication ancienne de la société civile. Elle été consacrée dans les plate formes d’action des conférences internationales relatives aux droits humains, particulièrement la quatrième conférence des femmes de Beijing de septembre 1995 (point (G) paragraphes,187-189).[14]
La parité est une application de l’égalité et non une discrimination positive. Elle est un droit nécessaire à l’instauration d’une démocratie égalitaire. Selon la Déclaration d’Athènes de 1992,[15] la parité répond à la nécessité de parvenir à une répartition équilibrée des pouvoirs publics et politiques entre hommes et femmes.[16]
Pourtant, la parité a rencontré une opposition farouche de la part de certaines personnes qui considèrent qu’elle n’émane pas de la réalité tunisienne et constitue plutôt une réponse aux demandes des occidentaux qui essayent d’influencer le gouvernement et les autorités de transition. Accepter la parité reviendrait plutôt à satisfaire les
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