Jean-Marie Pillon, chercheur au Centre d’étude d’emploi est l’auteur d’une thèse sur l’évaluation de l’efficacité de Pôle emploi. Il a passé quatre mois dans des agences de Pôle emploi « pour comprendre le travail des conseillers ». Selon le chercheur, le contrôle des chômeurs – mis en place d’abord dans trois régions avant sa généralisation dans tout le pays – n’est pas nouveau « en soi ». « C’est simplement une nouvelle organisation » de Pôle emploi. Mesurer le nombre de personnes qui auraient abandonné leur recherche « est quasiment impossible » selon Jean-Marie Pillon. « Si on attend de cette mesure qu’elle fasse baisser le chômage, on peut attendre longtemps » ajoute-t-il. Entretien.Pôle emploi met en place lundi son nouveau dispositif de contrôle des chômeurs à l’aide de 200 agents chargés de vérifier que les demandeurs d'emploi sont bien en recherche active. Est-ce nécessaire de contrôler les chômeurs ?Ce n’est pas une question technique, c’est plus politique. C’est un choix. Si on le pense, il faut le faire. Si la question c’est « est ce qu’il faut contrôler les chômeurs pour faire baisser le nombre de chômeurs ? » Non, le contrôle ne permet pas de faire baisser le chômage, il s’adresse aux personnes en très grande difficulté, qui ont décroché. Il est important de rappeler aussi que sur les plus de 5 millions d’inscrits à Pôle emploi, seule un peu moins de la moitié perçoit des allocations chômage.Il n’y a pas de lien logique entre contrôle et baisse du chômage. Pour comprendre ce qu’a mis en place Pôle emploi, il faut voir qu’il a été créé dans un contexte de baisse du chômage. C’était début 2008. Puis, il ouvre trois mois après la chute de Lehman Brothers. Il y a eu 30% de chômeurs de plus la première année d’existence. Il était prévu pour l’accompagnement des chômeurs et s’est retrouvé dans une situation économique qui n’a rien à voir, avec presque deux fois plus de chômeurs.On espérait que l’ensemble des conseillers fasse ce contrôle pour voir si les personnes ne décrochaient pas. C’était attendu des conseillers, en mettant la pression sur les chômeurs les moins engagés. Mais face à l’explosion du chômage, Pôle emploi passe son temps à rationaliser son travail pour mettre en œuvre les missions confiées. Les conseillers n’ont pas toujours le temps de recevoir tous les demandeurs d’emploi. D’où la mise en place de cette cellule. Il est très difficile de récupérer les gens qui se sont perdus dans la nature, qui n’ont plus de lien avec les administrations. Donc on met en place cette cellule.Sait-on combien de demandeurs d’emploi ne recherchent plus ou pas d’emploi ?Non, car la définition dépend de ce qu’on met dedans. A une époque, se rendre à l’ANPE ou à Pôle emploi était considéré comme une démarche active. Aujourd’hui, c’est Pôle emploi qui ne peut plus vous recevoir. La question se situe sur la définition de ce qu’est une démarche de recherche active. Or on n’a pas de définition précise de ce que c’est. Il existe dans les textes des situations qui peuvent amener à sanctionner le demandeur, comme refuser une offre d’emploi ou une proposition de formation. Ce sont des cas qui pourraient être amenés à sanctionner. Sauf que ces cas n’amènent pas de sanctions à chaque fois car il est très difficile de prouver qu’une personne a refusé un emploi. De ce point de vue, même s’il existe des définitions des cas qui pourraient entrainer une sanction, dans les faits, il est très difficile d’apporter la charge de la preuve. La mesure des gens qui auraient abandonné leur recherche d’emploi est quasiment impossible. Ça supposerait une définition précise et qui serait introuvable.Donc il est difficile de contrôler les chômeurs ?Non, pas forcément. Contrôler, cela veut juste dire regarder les pièces. D’après ce que dit Pôle emploi du dispositif, ils vont ouvrir le dossier et regarder l’historique de la personne. Mais il y a une difficulté : certains dossiers n’auront pas le temps d’être renseignés. Certains ne sont pas à jour. Il y a une grande chance que les travaux de contrôle soient rendus difficiles par la mise à jour des registres. Sinon, ce n’est pas très difficile, il faut regarder le dossier. Mais le plus compliqué, c’est quand ils vont vouloir radier. Dans les expérimentations, c’était des cas minimes, il y avait peu de monde. Ça ne change pas grand-chose quant aux missions données à la naissance de Pôle emploi. Ils séparent entre ceux qui vont recevoir les chômeurs et ceux qui contrôleront. Si on attend de cette mesure qu’elle fasse baisser le chômage, on peut attendre longtemps. Si les gens ne trouvent pas d’emploi, c’est simplement parce qu’il n’y a pas d’emploi, c’est là que la sanction a ses limites. On dit que certaines personnes profitent du système. A priori, on a du mal à trouver celles qui profitent du système. Contrôler n’est pas une solution miracle. Ça ne crée pas d’emplois, à part les 200 contrôleurs.S’agit-il d’un affichage politique ?Non, c’est une forme de rationalisation
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