Bien avant la Première Guerre mondiale, les symptômes du malaise de la civilisation s'étaient déjà fait sentir dans l'art : le futurisme, le cubisme fustigèrent l'art dit « classique ». Pendant la guerre, les revues Nord-Sud, Sic réunirent, sous l'inspiration de Guillaume Apollinaire, tous ceux qui mettaient en cause non seulement les formes artistiques, mais encore la réalité à proprement parler. C'est chez Guillaume Apollinaire qu'André Breton, Philippe Soupault et Louis Aragon se rencontreront. Ils créent ensemble, en mars 1919, la revue Littérature, ainsi nommée par dérision et qui fait paraître des Poésies de Lautréamont et, paradoxalement, des textes de Gide et de Valéry. Dans le même temps, Breton est entré en correspondance avec Tristan Tzara, qui, à Zurich, anime allègrement le mouvement dada. La lecture du Manifeste dada 1918 impressionne le petit groupe. La rencontre avec Tzara, qui vient à Paris, galvanise ses membres. Littérature prend un tour plus virulent. Mais, tout au long de sa période dada (1919-1922), la revue gardera un caractère qui lui est propre, ne serait-ce déjà que dans sa présentation apparemment classique. Dès 1919 étaient entrepris les premiers essais d'écriture automatique, dus à la collaboration de Breton et de Soupault, et qui paraîtront en 1920 sous le titre les Champs magnétiques. À partir de 1921, les surréalistes s'adonnent au sommeil hypnotique. Ces deux activités majeures sont une création spécifique. Breton, qui deviendra le chef de file des surréalistes, s'est d'ailleurs défendu d'être un émule de dada : « Il est inexact et chronologiquement abusif de présenter le surréalisme comme un mouvement issu de dada ou d'y voir le redressement de dada sur le plan constructif. La vérité est que dans les revues dada proprement dites, textes surréalistes et textes dada offrent une alternance continuelle. » Surréalisme, dadaïsme, « deux vagues dont, tour à tour, chacune va recouvrir l'autre ». La vague de fond surréaliste finira par recouvrir le tourbillon dada. Mais il n'empêche que dada a donné au surréalisme un style, une intransigeance qui, tout au long de sa longue histoire, lui permettront de garder la vigilance nécessaire pour ne pas s'égarer de sa ligne. Le fantôme dada n'est pas étranger à la rigueur, au radicalisme que Breton, sa vie durant, exigera pour lui-même et pour ses compagnons de route.À la suite du « procès Barrès », qui a lieu le 13 mai 1921, Breton et ses amis rompent avec dada. À ceux de la première heure, Aragon et Soupault, se sont joints Paul Eluard, Robert Desnos (1900-1945), Benjamin Péret (1899-1959). Ils s'engagent totalement dans l'expérience surréaliste, qui, à cette époque, est essentiellement une pratique : essais d'écriture automatique, jeux (le cadavre exquis), rêves éveillés, sommeils hypnotiques. Il est bien entendu que l'art et plus particulièrement la littérature ne sont pas le but de ces entreprises. Il s'agit de retrouver ce que Michel Carrouges a appelé les « données immédiates de la conscience » : il s'agit de briser tous les préjugés, les tabous qui font barrage, qui empêchent une prise directe de la réalité telle qu'elle est, tout en essayant d'oublier celle que la culture déforme et véhicule.De 1922 à 1924, les surréalistes se livrent principalement au sommeil hypnotique, dû à l'initiative de René Crevel (1900-1935). Robert Desnos s'y montre expert. Le groupe tout entier vit dans un état second : « Une épidémie de sommeil s'abattit sur les surréalistes. […] Ils sont sept ou huit qui ne vivent plus que pour ces instants d'oubli où, les lumières éteintes, ils parlent sans conscience, comme des noyés en plein air. » Ils baignent dans un climat d'ivresse, d'exaltation continues. Ils ne connaissent aucune limite à leur prospection dans l'imaginaire. « Poursuite de quoi, je ne sais, mais poursuite » (Breton). Malgré les apparences, ces rêveries volontaires ne sont qu'un faux départ dans l'idéalisme où les surréalistes semblent s'engager.
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