SI VOUS SAVIEZ LE DON DE DIEUAVEZ-VOUS UNE RELIGION?Mes freres,On peut être un fidèle pratiquant de sa messe du dimanche, on peut être assidu aux émissions religieuses de la Télévision ou de la Radio, ou peut être un pilier des Oeuvres de sa paroisse, on peut être un membre de l’Action catholique, on peut être un moine… et n’avoir aucune religion.Et ceux que je viens de nommer et d’autres aussi: protestants, musulmans, israélites, je les entends m’objecter: “Pourquoi donc dites-vous que nous sommes sans religion?”Je ne parle pas des hpocrites, je ne parle pas de ceux qui ont mis un masque sur leur visage et dont la vie renie le masque qu’ils portent à l’extérieur ; je ne parle pas de ces “sépulcres blanchis remis à neuf” dont parle le christ. Mais je vous demande, et je me demande à moi-même tout le premier: “Ai-je une religion, avez-vous une religion?” Cette question ne se résoud pas d’elle-même. J’ai le bonheur d’avoir une amitié profonde avec les Trappistes de Notre-Dame de Citeaux, près de Dijon. C’est là un des plus beaux monastères de France à l’heure actuelle, un des plus fervents. Il faut voir ces quatre-vingt ou cent moines, pères et frères. Il faut les voir se lever tous les matins à deux heures-et, le dimanche, une demi-heure plus tôt! Il faut les voir travailler dur dans les champs, il faut avoir contemplé la joie fraternelle qu’il y a sur leur visage pour comprendre que c’est aujourd’hui un des plus hauts lieux spirituels de France et peut-être du monde. Or, en cette Trappe elle-même, Dom Godefroy, ce grand moine, ce grand spirituel, dans l’instruction du matin qu’il faisait à chacun des Trappistes, leur disait, comme un leit-motif: “Mes frères, mes pères, prenez garde à ce qui vous menace, prenez garde à ne pas devenir des sans-Dieu du cloitre.” Car, pour Dom Godefroy, ce grand spirituel, on peut vivre dans un cloitre toute sa vie et être un “sans-Dieu”.Et comme, dans mon angoisse, je demandais à l’un de ces Trappistes comment cela pouvait se faire, il me cita la parole d’un autre vieux moine, qui lui disait un jour: “Mes abeilles, ma ruche, ma menuiserie, m’ont pris toute ma vie.” Je vous rapporte ces mots parce que je sais trop la ferveur, la transparence, la vérité de nos moines de Citeaux, et que le vieux Trappiste qui disait cela avait fait une grande place à Dieu dans sa vie. Mais il reste vrai que l’on peut tout donner à Dieu et vivre sans Lui.Mes Frères, si c’est vrai pour ces hommes, pour ces Trappistes, à quelle plus forte raison cela le sera-t-il pour nous!Vous qui vivez dans le tourbillon d’un métro, d’un autobus à prendre chaque matin, tendus vers la pendule de votre usine et le pointage qui vous attend à sa porte, vous qui êtes harcelés par les rythmes de production, et moi-même qui vais courir d’un endroit à l’autre, est-ce que je risque, et est-ce que nous ne risquons pas, vous et moi, de vivre sans religion?Mais, allez-vous me dire, en quoi consiste donc votre religion? Qu’est-ce que c’est que d’être relié à Dieu?Eh bien! Mes Frères, mes Frères bien-aimés, avoir une religion c’est chercher Dieu; c’est chercher Dieu si on ne l’a pas découvert, mais c’est le chercher plus encore quand on a commencé à le découvrir, quand on a commencé à le voir dans le monde.Or, la première condition pour avoir une religion, pour chercher Dieu, c’est d’abord d’avoir une haute idée de Dieu. On ne cherche pas Dieu comme on cherche un trèfle à quatre feuilles, parce que cela porte bonheur ou que c’est amusant de le découvrir. Pour chercher Dieu, même si on ne l’a pas encore trouvé, il faut accepter, dès le premier instant, de “tout jouer”, de mettre toute sa vie dans la balance le jour où on aura trouvé le bonheur de découvrir Dieu.Chercher Dieu ainsi? Mais c’est ce que nous dit Jésus dans l’Evangile quand il nous parle de ce marchand qui va à la recherche d’une perle infiniment précieuse; il chrrche cette perle, il la découvre un jour, et dans la joie d’avoir découvert ce qu’il cherchait de plus beau au monde, la voilà qui “ bazarde” tout – comme nous dirions aujourd’hui – uniquement pour posséder cette perle si belle et si précieuse.Ah ! chercher Dieu, c’est Lui dire déjà dans notre prière de chaque jour ( même si nous sommes incroyants) : “ Mon Dieu’ vous êtes le Créateur. Cela veut dire que vous êtes Celui qui est.” Les incroyants ajouteront: “ Mon Dieu, si vous existez, - je n’en sais rien encore, mais quelle immense chose ce doit être si c’est vrai! – vous êtes Celui qui avez du tout faire. Le coquelicot est une pensée de Vous, et la rose est une pensée de Vous, et le charme d’une jeune fille est une pensée de Vous, et la tendresse d’une femme est une pensée de Vous aussi, et la force d’un homme qui s’est engagé totalement dans son idéal, est aussi une pensée de Vous, ô mon Dieu!” Voilà ce qu’est avoir une haute idée de Dieu et cultiver en soi cette grande idée d’un Dieu si grand.Mais chercher Dieu, ce n’est pas seulement avoir une grande idée de Dieu, c’est, en même temps, et comme une seule chose, se faire tout petit devant Dieu. Quand je vous dis: se faire tout petit devant Dieu, cela ne veut pas dire: se faire mesquin, être étriqué, se replier sur soi-même, être grippe-sous et sentir la naphtaline! Etre petit devant Dieu, c’est tout simplement se mettre devant Lui pour ce que nous sommes. En face de ce Dieu si grand…nous, si petits!A la fin de sa vie, le Père Lagrange, cet éminent savant et ce pionnier des Études bibliques au siècle dernier, me racontait comment un des plus grands écrivains de notre temps ou tout au moins l’un des plus célèbres, Pierre Loti, un jour qu’il était au sommet de sa gloire, tandis que les journaux, les magazines parlaient de lui, et que ses livres se vendaient à des milliers d’exemplaires, - se mit à la recherche de Dieu.Mais, au lieu de chercher Dieu en se mettant à genoux dans sa chambre, ou en allant dans une Église comme l’avait fait le Père de Foucauld, à l’ombre d’un confessionnal, voilà que Pierre Loti veut chercher Dieu à sa manière – d’un manière trop grande – et voilà qu’il va donner un rendez-vous à Dieu. Pierre Loti donne rendez-vous à Dieu, non comme tout le monde, mais au sommet du Sinai, comme Moise. Et le Père Lagrange nous disait avec son fin sourire: “ Eh bien! figurez-vous, Dieu n’était pas au rendez-vous!” Et Pierre Loti n’a pas trouvé Dieu.Il n’avait pas su se faire petit, il n’avait pas compris que sa plume n’était qu’une plume d’oie à côté de la grandeur infinie de Dieu. Et , nous aussi, mes Frères, nous donnons des rendez-vous à Dieu d’une manière parfois aussi absurde que Pierre Loti; nous voudrions que Dieu se découvre à nous alors que nous n’avons pas dégonflé notre propre baudruche. Or ce n’est pas à coups de bulldozer que nous y parviendrons. Quelques bons coups d’épingles seront nécessaires pour dégonfler notre baudruche, notre “moi”, et pour qu’étant redevenus petits nous découvrions Dieu.Découvrir Dieu, quand on s’est fait petit, amène quelque chose d’immense dans un coeur d’homme, amène la joie. Car la joie chrétienne nait à la fois de la grandeur de Dieu et de ma petitesse. Cette disproportion, cette différence de niveau, de potentiel, fait que la joie va irradier mon coeur. Non pas une joie à la manière des joies humaines – qu’on prend du dehors, qu’on essaye de faire pénétrer dans sa propre peau, à coup d’argent ou à coup de plaisirs -, mais la joie de Dieu, la joie qui nait au fond de mon coeur même, et de là va irradier tout mon être.La religion, c’est cela: d’abord et toujours chercher Dieu, être des petits devant Lui. C’est ce que dit Jésus: “ Cherchez le Royaume de Dieu et sa Sainteté et tout le reste, cette joie que nul ne pourra vous enlever, tout le reste vous sera donné par surcroit.”Mais chercher Dieu, Le découvrir, ne nous dispensera pas de l’effort. Pour trouver Dieu dans cette escalade, pour nous encorder à Dieu-comme on s’encorde au chef de cordée – nous aurons à souffrir nous-même; il faudra que nous voyions où nous poserons notre pied; il faudra nous agripper à des prises qui nous couperont peut-être les doigts, mais qui, en même temps, nous feront entrer dans l’émerveillement de la découverte, dans la recherche de Dieu à travers toutes choses. Et si nous cherchons vraiment, si nous cherchons profondément notre Dieu si grand, un jour nous découvrirons qu’Il est là, au fond de notre coeur. “ Celui qui m’aime, dit Jésus, je me révèlerai à Lui, et je viendrai en Lui, et mon Père et Moi nous ferons en Lui notre demeure.” Cette Parole même de Jésus est celle qui nous comblera: car ce Dieu n’est plus seulement le Créateur lointain; ce Dieu c’est celui qui me regarde, c’est Celui que j’appelle “ notre Père”. Mon Dieu, Vous êtes notre Père et je suis votre enfant! Amen.
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