Hé bien non, au contraire: le fait que la voiture soit indispensable aujourd’hui est un argument supplémentaire en faveur de la lutte contre la société du tout-automobile. Dire « la voiture est indispensable », c’est aussi dire « nous n’avons pas le choix ». C’est cette dictature extraordinaire qu’il faut absolument combattre. Comment a-t-on pu, en quelques dizaines d’années à peine, passer d’un monde sans voitures ou presque, à un monde où celle-ci est indispensable? L’homme aurait besoin d’eau, de nourriture, d’air, de sommeil… et d’une voiture? Comment peut-on accepter d’être à ce point inféodé à cet objet de métal puant, bruyant, terriblement dangereux et incroyablement coûteux [1] ?L’action individuelle, à base de « si on veut, on peut » [2], certes nécessaire et salutaire, n’est pas suffisante pour combattre l’implacable rouleau-compresseur qui, à force de bétonnage et d’étalement urbain, rend la voiture indispensable. Ainsi, se battre contre la société du tout-voiture revient à réclamer que la voiture redevienne un moyen de transport parmi d’autres, qu’on peut choisir d’utiliser ou non. Ce combat devrait être mené à la fois par les amoureux de la voiture et leurs détracteurs, puisqu’il revient à réclamer le retour du choix pour tous. Et puis, nul doute que nombre d’automobilistes aimeraient voir les bouchons disparaître…
Obtenir ce simple résultat serait un formidable pas en avant et requiert déjà d’incroyables décisions politiques et changements de mentalités: arrêt de l’étalement urbain et de son corollaire le mitage, relocalisation des activités, ralentissement de la ville [3], fin des gigantesques pôles commerciaux au profit des commerces de proximité [4], arrêt de la glorification irrationnelle de la possession d’une voiture notamment à travers la publicité, etc.
Une fois ce combat mené et gagné, il sera beaucoup plus simple de réagir aux éventuels problèmes soulevés actuellement, par exemple sur l’état des réserves pétrolières ou de matériaux: si vraiment le prix du pétrole continue d’augmenter, alors il sera aisé de se passer de voiture dans une société qui n’est plus construite pour elle, et si on trouve effectivement une super-énergie-propre-révolutionnaire-grace-au-progrès, il sera de même aisé de continuer à utiliser la voiture si on veut.
Source: http://unveloquiroule.fr/
[1] d’après l’Automobile club de France (lobby pro-voiture), on a les chiffres suivants pour 2011 :
– Voiture neuve « low cost » de 4 CV, 9000 km par an : 4500€/an (0,50€ du km)
– Voiture neuve de 6 CV, 9000 km par an : 6000€/an (0,65€ du km)
– Voiture d’occasion de 6 CV, 9000 km par an : 2500€/an (0,30€ du km)
– Voiture neuve de 5 CV, 15000 km par an : 7500€/an (0,50€ du km)
source : http://www.automobile-club.fr/budget
[2] voir par exemple http://carfree.fr/index.php/2005/02/28/le-mythe-de-lindispensable-automobile/
[3] voir la campagne pour la ville à 30km/h : http://www.fubicy.org/spip.php?article365
[4] ce qui permettrait, de surcroît, de revitaliser l’activité économique, si l’on en croit Christian Jacquiau dans Les Coulisses de la grande distribution, sorti en 2000, où il indique que chaque emploi créé dans la grande distribution détruit trois à cinq emplois dans le secteur des PME et du commerce de proximité, ce qu’a confirmé la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP). Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_Jacquiau
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Catégories: Argumentaires, Fin de l'automobile | Tags: aménagement, argumentaire, automobilisme, critique, mythe, propositions, société
16 Commentaires
Alain Alain
25 février 2013 at 15:45
Ne « jamais réussir à faire changer d’avis leur interlocuteurs » est une telle certitude qui parfois me remplit d’effrois. Tellement formatés par leur télé, leur téléphones, leur bagnoles qu’on se demande si ce n’est pas déjà la société des « transhumains » (avec puce incorporée pour leur ôter pour attitude de réflexion).
Vendredi, chose rare: j’ai pris ma voiture pour une course dans la périphérie et je me suis retrouvé à 16h30 sur le chemin du retour dans un méga embouteillage (5 kms m’ont pris plus d’1/2h). J’ai halluciné. Car c’est tellement rare de prendre ma voiture et tellement rare de vivre une situation pareille. Mais en regardant autour de moi, je n’ai ressenti dans les véhicules proches le moindre sentiment de remise en cause de çà.
Mon collègue, la veille, a lui aussi pris sa voiture pour aller voir une amie dans la périphérie, chose rare également. Il est revenu blème: « plus jamais çà ». Comment font-ils pour supporter çà tous les matins et tous les soirs sans se poser aucune question et dire : ma voiture est indispensable.
Groumpf
25 février 2013 at 16:05
Très bon article.
Avec un peu de chance, bientôt les gens accepteront l’idée que la voiture est indispensable, mais qu’il n’est plus indispensable d’en posséder une. Avec une offre d’autopartage efficace, par exemple, pour les citadins, quand il s’agit de sortir du périmètre des TEC ou de se perdre quelques jours à la campagne.
Et avec une large adhésion, la physionomie de la ville changera du tout au tout.
gg
26 février 2013 at 1:03
petit désaccord : le mitage et l’étalement urbain ce n’est pas la même chose.
L’étalement urbain c’est par exemple le pavillonnaire : gros consommateur d’espace urbain, l’étalement est un problème de citadin. Les petites bicoques en parpaing à l’architecture régressive sont souvent construites sur une parcelle qui est entièrement classée comme terrain à bâtir, et qui n’est contigue qu’à d’autres parcelles du même type. Luter contre l’étalement urbain, c’est tenter de conserver une ville vivable, au besoin en prenant à contre-pied les désiderata de couches sociales qui ne sont pas parmi les plus favorisées.
Le mitage c’est un problème de rural. C’est la construction qui ne se fait pas « en continuité avec le bâti existant ou dans des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement », comme on dit en droit de l’urbanisme. On lutte contre le mitage en interdisant aux grands bourgeois de se faire construire un manoir au centre d’une propriété de 15 hectares. Ceux qui montent une yourte ou un cabanon loin des villages contreviennent aux règles interdisant le mitage, néanmoins on peut les soutenir. Enfin, il y a une catégorie de gens qui « ont le droit » de miter : ce sont les agriculteurs. Et encore heureux…
Struddel struddel
26 février 2013 at 9:25
La voiture n’est indispensable que pour les gens qui ont une incapacité physique ou pour les gens qui ont testé la vie avec voiture et qui ne veulent pas revenir en arrière par flemme et/ou par peur de l’effort.
J’ai habité à la campagne, j’ai habité en centre ville, aujourd’hui j’habite en périphérie urbaine et je n’ai jamais eu de voiture, je n’ai pas le permis et je n’en veux pas.
J’ai un enfant, je vais au boulot depuis ma maison tous les jours, je vais voir ma famille à 400 km et je fais mes courses comme tout le monde et je me débrouille parfaitement sans voiture.
Je n’ai juste pas peur de mélanger train et vélo et de faire 30 bornes à vélo quand il le faut, mes 10 premiers km m’avaient semblé insurmontables à l’époque où j’étais en centre ville et où je faisais tout en TEC, et jour après jour, j’ai augmenté les distances et le corps a suivi, faut juste oser et s’y mettre assez jeune, donc ne jamais passer par l’étape voiture.
Quand on n’a jamais goûté à la voiture, elle ne nous paraît absolument pas indispensable.
Mais soyons clairs, j’ai parfaitement conscience des services qu’elle peut rendre à l’occasion, et je ne souhaite pas sa disparition totale, simplement, on peut vivre sans, je m’en sors très bien.
bikeman
26 février 2013 at 18:31
Absolument, surtout que les vélos eux aussi deviennent + performants.
On parcours des bonnes distances, en se fatiguant moins.
Encore une fois, en France nous n’avons pas la culture vélo, les bagnolards ne se rendent pas compte du potentiel qu’il représente…
Couplé avec les TEC, il est possible de vivre sans voiture.
Pour les personnes vivant en milieu rural, c’est certes + délicat, mais comme déjà expliqué plusieurs fois sur ce blog, les ruraux ne représentent qu’une petite part des citoyens français, moins d’1/4 d’entre eux :
http://www.observationsociete.fr/plus-des-trois-quarts-des-fran%C3%A7ais-vivent-en-ville
Article intéressant d’ailleurs… car l’urbanisation fait suite au processus de périurbanisation !
M’enfin, même en agglo, la vie sans voiture est possible…
Mediarail.be
26 février 2013 at 19:05
Bon article mais bigrement français et citadin. 3/4 de la population vit en ville en France ? Benelux, Allemagne, Suisse de plaine, c’est l’inverse…Et puis chez nous, la fiscalité n’est pas autoritaire mais laisse le choix libre aux personnes. Car les villes, faut aimer, et ca, c’est pas gagné.
Christophe xtoflyon5
26 février 2013 at 19:07
Joli renversement du raisonnement. Je l’ajoute à ma besace ! Merci.
Christophe xtoflyon5
26 février 2013 at 19:15
J’ajoute que l’argument renversé de « la voiture est indispensable » (=> « comment donc peut-on accepter ça ? »), est à mettre avec d’autres renversements utiles à rappeler, déjà détaillés sur Carfree :
Le paradoxe de Braess : plus de routes ne font pas toujours moins d’embouteillages. http://carfree.fr/index.php/2012/07/18/le-paradoxe-de-braess/
Les automobilistes sont des assistés sociaux : ils laissent une ardoise de 1600 €/an/citoyen à leurs concitoyens, non pris en chargent par eux-mêmes. http://carfree.fr/index.php/2012/12/18/373-milliards-deuros-par-an/
Si vous avez
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